Il y a un petit mois, les élèves arrivaient dans leurs établissements et se confronter à cette question : dans quelle classe suis-je inscrit ? Où est –elle ? Où dois-je aller ?
Premières questions qui normalement se résolvent facilement pour tous mais qui sont à penser de manière plus particulière pour certains pour éviter une première angoisse, celle d’être perdu, de ne pas trouver sa classe, de ne pas trouver sa place !
Une fois arrivé en classe, comment se joue l’installation de chacun ? La plupart du temps, nous laissons faire… Cela permet une première assurance : être à côté d’un copain, d’une copine, ou au moins de quelqu’un que je connais un peu. Puis très vite, l’espace se réorganise… Et nous « séparons » les bavards, les remuants, les timides, les plus performants… Première réorganisation qui « déplace » et fait bouger les places. A nouveau il faut trouver sa place et pour certains encore, nouveau risque passager de déstabilisation… Qui demande une explication bienveillante, une assurance donnée par l’adulte à l’enfant qu’il continuera à exister dans ce nouvel espace.
Tout cela peut paraitre anodin, pourtant notre cerveau reptilien est très sensible à cette question du territoire et active quand l’insécurité le gagne le système limbique qui à son tour peut inhiber le cortex et empêcher de prendre sa place dans les activités proposées, l’apprentissage en cours.
Car prendre sa place en classe c’est pouvoir pour l’élève exister tel qu’il est, se ressent, se sentir reconnu, accepté par ses camarades, ses pairs et aussi par ces enseignants. Prendre sa place, condition essentielle pour pouvoir apprendre. Cela exige pour les enseignants un travail nécessaire sur ce « vivre ensemble » de la classe et sur la façon d’installer la relation avec chacun personnellement.
Prendre en compte le vivre ensemble : c’est-à-dire l’organiser, donner le cadre, donner des rôles différents, mettre en valeur les talents de chacun, permettre aussi des « mixages » d’enfants qui ne se côtoieraient pas naturellement en pensant des activités de groupe où il y ait un vrai travail de chacun. (Voir l’excellent article de Gilbert Longhi…) Favoriser au maximum la reconnaissance mutuelle. A contrario, éviter de ne rien voir, d’ignorer les rivalités, les affinités ; la pédagogie institutionnelle si mal connue et si peu utilisée donne de vraies possibilités d’améliorer ce vivre et apprendre ensemble. Comment utiliser au mieux dans cette première période les heures de vie de classe au collège ? Pour communiquer et donc parler encore, transmettre toute une série d’informations ? Ou bien un moment propice pour apprendre à mieux se connaitre, chacun et ensemble ? Pour réfléchir ensemble et les élèves entre eux sur ce comment nous vivons ensemble ; chacun a –t-il sa place ?
Établir une relation personnalisée : c’est un regard qui est mobile. Chaque élève existe à un moment donné dans les yeux de son enseignant. C’est un enseignant qui bouge et qui vient voir chacun établit de brefs dialogues : juste une phrase, un conseil…
Il est encore temps de s’assurer que chacun a pu maintenant « prendre sa place » et s’y sent bien. Sans cela, c’est l’exclusion qui se mettra en place : auto exclusion du groupe, de l’accès au savoir. Exclusion par les autres. Blessures qui s’installent et demanderont, suivant la sensibilité de chacun, un travail de réassurance.
Trouver sa place, prendre sa place c’est finalement enfant, adulte, la condition première de pouvoir exister avec d’autres, d’enclencher des processus dynamiques pour apprendre, pour vivre.
Véronique Poutoux, rédactrice en chef. Le 25 septembre 2015.