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• Les groupes de niveaux ne sont pas compatibles avec l’école inclusive

La réforme phare présentée sous le mandat de Gabriel Attal  collecte de nombreuses critiques venant d’horizons différents: organiser les enseignements de français et Maths en classe de 6eme et 5eme en groupes de niveaux. Les intentions sont affichées : permettre aux bons élèves d’aller plus vite et mieux accompagner les élèves en difficulté

Notre nouvelle ministre, après de nombreuses consultations semble vouloir modifier le discours en utilisant le terme de groupes de besoins flexibles, en ouvrant la possibilité de dérogations en fonction des contextes et sous la responsabilité des chefs d’établissements et des équipes. Mais peut-elle piloter son ministère ?

Ce retour en force d’idées anciennes sur le plan pédagogique et éducatif est en contradiction avec la visée d’une école inclusive et d’une société inclusive. Certains, donc sans le dire, ou en affirmant de telles contradictions, entretiennent une posture idéologique et politique. Il ne déplait pas à de nombreuses personnes sans doute, de tout faire pour que les bons élèves ne soient pas entravés dans leur progression. Ils préfèrent entretenir un « entre soi » qui ne s’embarrasse pas d’une vision à plus long terme d’une société clivée dont on délaisserait une partie de la population… Ils ne souhaitent pas non plus s’attaquer vraiment aux difficultés réelles que rencontrent l’ école inclusive. D’ailleurs le terme « fourre tout » d’élèves en difficulté  employé dans le discours est significatif.

Cela rappelle d’anciens débats lors de l »industrialisation et de ces bandes de gamins  » assaillant » les villes …. Comment s’en protéger  était la question d’alors ?

Autres idées qui ont germé et se sont développées: les enfants handicapés ont besoin d’une éducation spéciale dans des lieux spéciaux… avec des personnes plus spécialisées. Les associations de parents créatrices de ces projets ont ensuite réalisé la dérive qui en découlait. Couper leurs enfants de l’école, c’était les couper à tout jamais d’une vie sociale et les reléguer dans des lieux « à part »… Comment a-t-on pu penser que mettre ensemble des enfants ayant des troubles du comportement ensemble pouvait leur permettre d’aller mieux ?

Comment peut-on penser aujourd’hui qu’organiser les classes de 6eme/5eme en classes de niveaux pour les enseignements de maths et de français permettraient aux élèves en difficulté de progresser ? Les « à part » spécialisés qui n’existaient plus dans l’école sont entrain de renaitre. Les parents des enfants affectés au groupe des faibles seront ils satisfaits d’une telle mesure ?  et quand celle- ci semble s’assouplir en parlant de flexibilité des groupes, nous savons bien que cela ne jouera que pour quelques élèves, que cela produira des « drames » pour des élèves du groupe des « forts » rétro calés dans le groupe des « moyens »

Au delà des questions, voici quelques pistes de réflexion que nous souhaitons partager :

  • La visée d’une école inclusive ne  peut exister sans la vision d’une société inclusive. Or, voulons-nous une société inclusive ? Si le consensus de surface semble être là, tant de contre exemples du quotidien montrent une volonté de préserver les acquis d’une élite et non de  mettre les compétences de ces élites au service de tous.
  • L’école française se débat entre le rêve  d’une école égalitaire  et d’une école élitiste. En fait l’école égalitaire est un mythe car si nous sommes égaux en dignité et en droits, nous faisons l’expérience de l’altérité qui nous montre combien nous sommes différents sur tous les plans constitutifs de l’être humain. Il s’agit de penser une école équitable qui propose à tous des situations où les progrès sont possibles et valorisant.
  • Ne devons-nous pas avoir le souci de former des personnes qui mettront leurs talents au service du bien commun ? Talents dans le domaine conceptuel, relationnel, artistique, visionnaire …  Et aujourd’hui plus qu’auparavant, ces différents talents ont besoin de former une intelligence collective pour résoudre les situations complexes qui se présentent sous forme de dilemmes et de contradictions au prime abord. Si dès le collège , un « tri’ s’opère, comment ces « bons , excellents élèves » apprendront ils à vivre avec des camarades différents ? C’est bien la logique de compétition qui sera poussée à son extrême, or l’école inclusive est une école de la coopération et non de la compétition.
  • Cela renvoie aux théories de l’apprentissage. Apprendre nécessite de se confronter à d’autres représentations, d’autres formulations, d’autres procédures. L’approche socio- constructiviste a-t-elle été comprise ? Est-elle définitivement abandonnée au profit de d’une seule approche cognitiviste, plus mécaniste, s’appuyant sur le fonctionnement du cerveau et qui pourrait prétendre avoir toutes les réponses pédagogiques efficaces ?
  • La différenciation pédagogique  fait partie des gestes professionnels des enseignants. Certes elle ne résout pas tout non plus mais les pratiques enseignantes ont évolué et se sont adaptées , non sans  difficulté, à l’hétérogénéité des élèves dans les classes. Il nous faut aller plus loin maintenant vers l’accessibilité pédagogique et didactique qui permet de repérer les obstacles en amont, de proposer des chemins variés dans la présentation des informations, des moyens d’expression et d’évaluation, de fournir en tenant compte des obstacles des aides utiles à tous.
  • Ce qui entrave ces pratiques différenciées accessibles, c’est avant tout un effectif trop important… La mesure la plus simple serait alors de  limiter les effectifs des classes à 22 et d’accompagner les enseignants dans les pratiques pédagogiques, d’organiser des temps possibles de mutualisation, de recherche commune. Cela renvoie à la question de l’annualisation du temps de travail des enseignants. pourra-ton en faire l’économie?
  • Nous pouvons aussi organiser des groupes  avec un nombre d’élèves moins important. Ce serait une très bonne chose mais en  réfléchissant autrement à l’organisation de ces groupes en fonction des différentes étapes de l’apprentissage en cours. ( temps de découverte, d’entrainement, d’appropriation… )
  •  Comment organiser nos enseignements  en tenant compte à la fois de l’hétérogénéité des élèves ayant le même age, tout en maintenant des exigences , et en répondant à des besoins différents ? Il faut pour cela situer les besoins des élèves  et caractériser des typologies de besoins… Penser des regroupements différents inter âges, pendant cette période collège,  n’ouvrirait-il pas une issue à ces débats stériles d’un autre temps ?

Plutôt que d’imposer des « doctrines » ( mot très à la mode et très significatif) , nous croyons davantage en la responsabilité des équipes, à leur intelligence collective, à leur expertise du quotidien pour trouver des solutions ajustées à leur contexte.