« Il, elle peut/ Il, elle ne peut pas ! » En fait cette phrase traduit à mon sens un obstacle majeur pour la compréhension des difficultés de nombreux élèves. Car elle révèle qu’il nous faut accepter pleinement ces « impossibilités » d’agir dans les situations scolaires de certains élèves liées à des troubles ou déficiences.
Tout le monde comprend qu’un élève avec une déficience motrice, qui se déplace en fauteuil roulant ne peut pas faire autrement. Il ne viendrait à l’idée de personne de lui retirer son fauteuil roulant ! Pour ce qui concerne les troubles cognitifs, se situe une première difficulté qui est celle que le trouble n’est pas visible, qu’il n’est pas homogène et qu’il se traduit différemment suivant les situations, les moments de la journée, de la semaine. Suivant les indications données par les « spécialistes », utiles, confirmées dans le PAP ou le PPS, les aides se mettent en place et permettent des progrès et c’est alors que l’on entend mais finalement » a-t-il besoin de ces aides ? est-ce juste par rapport aux autres ? » Nous serions parfois prêts à lui retirer les aides mises en place.
Ces réactions qui témoignent d’un souci d’égalité et non d’équité , qui disent aussi l’exigence de mieux faire sont recevables. Cependant, elles traduisent à mon sens cette incompréhension de ce que peut faire ou ne peut pas faire l’élève sans aide. Certains élèves ne peuvent pas lire, ne peuvent pas lire des textes de plus de 5 lignes, de plus de 10 lignes Etc… Certains élèves ne peuvent pas écrire … d’autres ne peuvent pas mémoriser ce qui vient d’être lu …
Deuxième difficulté liée à notre propre traversée scolaire et à sa prégnance académique; un élève qui ne peut pas parler (aphasie, dysphasie …ou autre) peut cependant comprendre ce qui est partagé, exploré dans l’activité proposée…malgré ce que je crois percevoir.
De même, en poussant plus loin, le raccourci est vite fait de conclure qu’un élève qui ne parle pas, ou qui ne lit pas, ou qui n’écrit pas ne comprend pas ce qui est en jeu ! Nous devons absolument nous défaire de cette idée . Cela peut arriver que les difficultés de compréhension se cumulent avec des difficultés dans le dire, lire, écrire mais ce n’est pas systématique et nous devons aller chercher plus loin pour, nous, comprendre ce qui peut se passer dans la tête de cet enfant… Les pionniers de l’éducation des enfants différents au 18eme siècle ont tous fait deux choses : Observer et trouver des moyens de communiquer .
A notre tour nous pouvons développer, avec l’aide de l’élève lui-même, des autres élèves, de ses parents, de son AESH cette observation en situation et cette recherche de communication. Rappelons que la communication n’est pas le seul langage oral. Les gestes, les expressions, les pictogrammes tous les vecteurs autres de facilitation permettent la communication. Mais nous pouvons être très déroutés. Car cela demande un apprentissage patient et souvent unique.
Alors que faire ? Nous avons aussi appris dans le métier à généraliser les situations, à tirer des appréciations ( parfois erronées) de ce que nous voyons et interprétons trop vite. Je vous propose de revenir à un focus plus resserré autour de situations de classe plus précises en regardant de plus près ce que cet élève
– Peut faire ou ne pas faire
– Sait ou ne sait pas
– Sait faire ou ne sait pas faire
– Veut faire ou ne veut pas faire.
Ces items se complètent d’abord dans une activité donnée, puis une autre …. avant de pouvoir aller vers une généralisation plus grande. En quelque sorte, ce serait notre « diagnostic » pédagogique qui correspondra aux situations de la classe et permettra d’ajuster les aides et de mieux voir si elles sont indispensables ( s’il ne peut pas sans aide!) . Ce qui vous libérera de ce dilemme…est-ce juste ? et vous permettra de mieux comprendre le fonctionnement de l’élève.
A vous de tester: https://view.genial.ly/62506b8b21aeac001771f2e6/interactive-content-diagnostic-pedagogique