Editos

• L’école du rire aux larmes

Écouter les différentes interventions lors du colloque” l’école du rire aux larmes.” organisé par l’AFAR le 13 mars 2015:
http://www.afar.fr/colloque-ecole-du-rire-aux-larmes-2015.html

La première intervention du Professeur Philippe  Jeammet est passionnante et bouleversante.
Plus technique celle du Dr Florence DELTEIL sur les Troubles Spécifiques des apprentissages.

Et bien sur celle qui parle du site “versunecoleinclusive..!”

• Avec des yeux d’enfants…

Une vidéo qui  montre une expérience dans laquelle parents et enfants jouent jusqu’au moment où la différence  provoque chez l’adulte un temps d’arrêt, une distance. Que se passe-t-il? Dans ce court instant? Comme une sidération faite de compassion mais aussi de notre propre peur sans doute.

Pour l’enfant, l’imitation sans peur lui permet de poursuivre le jeu. Dans le quotidien, nous nous arrêtons devant une trop grande différence; les enfants eux entrent dans la relation en imitant.

Éventuel support de formation avec les enseignants, avec les lycéens et collégiens?
A tester .  Avec des yeux d’enfant

 

• J’aimerais comprendre pourquoi cet élève ne comprend pas !

” J’aimerais comprendre pourquoi cet élève ne comprend pas ! “ Voilà ce que disait un enseignant récemment lors d’une journée pédagogique. Remarque et questionnement fondamental au métier d’enseignant, si décourageant parfois et que nous pouvons abandonner faute de réponse et d’avancée probante, mais aussi cœur du métier et moteur de la recherche pédagogique au quotidien.

Ce verbe comprendre est à la fois le mouvement qui permet d’aller vers l’autre pour qu’il me comprenne et pour que je le comprenne ; mouvement qui s’élargit à la compréhension du monde, qui donne prise à un sens qui se construit peu à peu. Nécessité fondamentale qui se joue d’abord dans la sphère familiale quand les parents sont à l’écoute de leur tout petit pour comprendre ce qu’expriment les cris, qui peu à peu se transformeront en mots, en phrases et qui s’associeront aux gestes, aux mimiques, aux expressions propres à chacun. Processus qui se poursuit ensuite en dehors de ce premier cercle.

A l’école, nous nous appuyons sur les évidences de notre langage d’adulte et d’enseignant. Nous tenons pour acquise la langue de l’école et ne tenons pas suffisamment compte des autres dialectes véhiculés au sein des classes et de tous les niveaux d’incompréhension possibles qui empêchent la participation pleine de tous les élèves aux situations d’enseignement/apprentissage proposées.

Le premier niveau d’accessibilité est donc bien celui du langage qui se tisse entre enseignants et élèves. La reformulation par les pairs prend donc toute sa place à minimum. Il s’agit ici de s’assurer que le sens des mots est partagé par tous sans jugement et plus encore de prendre en considération un éventuel écart, d’anticiper au mieux ces ruptures possibles dans la communication de base.

Le second niveau concerne la langue des consignes, langue si spécifique à l’école et qui comporte tant de “pièges”, tant de verbes qui balisent l’activité proposée et qui peuvent constituer des obstacles. Combien d’élèves butent sur des mots pris dans leur sens littéral, dans une formulation avec  plusieurs étapes mêlées, n’ont pas accès à ce qui au delà des mots doit être abstrait et qui renvoie à une représentation mentale qu’ils n’ont pas.

Le troisième niveau est celui lié aux notions en elles-mêmes qui sont en jeu dans l’apprentissage. C’est le niveau le plus complexe car du point de vue de l’adulte, cela semble si simple. C’est la situation proposée qui est interrogée. Actuellement, de nombreuses démarches se référant au modèle socio-constructiviste, s’appuient sur la nécessité que les élèves découvrent le sens, valident des hypothèses, conçoivent les expérimentations possibles et ce dans toutes les disciplines. Peut-on s’interroger sur le danger d’un tel monopole dans ce qu’il contient d’insécurité pour certains et d’impossibilité pour d’autres à pouvoir proposer ces hypothèses ? L’enseignant doit donc jouer sur la mise en confiance et assurer la prise de risque que cela comporte. C’est dans son attitude et un accompagnement plus proche pour certains qu’il permet d’avancer dans la démarche proposée. Pour certains élèves, il est nécessaire que des hypothèses soient formulées et que ces élèves puissent ensuite les valider. Cette démarche devenue “dogme” pédagogique ne peut empêcher l’enseignant de rechercher tout moyen qui favorise un accès à la notion étudiée : la comparaison qui  joue avec l’analogie et la différence ; l’explicitation qui indique le cap et les moyens qui seront pris ; la manipulation… Il ne s’agit pas de recette !… mais bien d’aides nécessaires pour certains qui ne peuvent sinon participer de fait à ce qui est mis en jeu. Il s’agit bien alors d’une situation d’exclusion.

Faire avancer l’école inclusive, c’est rechercher dans les propositions pédagogiques tous les possibles d’exclusion avec lucidité et chercher à les réduire. C’est permettre que le verbe “comprendre” signifie aussi à l’école : “Faire entrer quelqu’un dans un ensemble, l’inclure…” en respectant sa manière singulière d’appréhender le monde.

Véronique Poutoux, rédactrice en chef. Octobre 2014.

• Premiers regards, premiers mots…

Premiers regards, premiers mots, premiers échanges avec les élèves qui franchissent la porte de l’école, de la classe.
Et déjà à notre insu, premiers risques d’exclusion !…

De l’ordre du sensible, ces perceptions procurent aussi bien chez les élèves qu’en nous-mêmes des premières impressions.
Pour certains élèves, elles prennent une grande importance et peuvent déterminer sympathie, antipathie, ouverture, fermeture, crainte…

En nous-mêmes aussi, ces impressions nous font « sentir » le groupe, tel ou tel élève.
Dans cet intervalle souvent si court en temps, ce que nous voyons risque de devenir réalité, notre réalité. Pour peu que les mots échangés, la façon de regarder, telle ou telle attitude confirment nos premières impressions. Tout cela  se greffe alors sur cette première matière, et peut provoquer une exclusion « intérieure » pour le moment invisible.

Plus les enfants sont jeunes et sensibles, plus ils perçoivent nos ressentis. Ce processus, très humain, nous ne pouvons l’éviter mais nous pouvons reconnaître qu’il existe et aussi permettre à nos élèves de nommer avec humour et inventivité ces mouvements intérieurs, si brefs et si subtils.

L’école inclusive invite à cette attention, à cette interrogation de ce que nous prenons pour la réalité. Il nous faut apprendre à interroger ce que nous pensons voir et le transformer en hypothèses.

Peut-être, celui-ci sera-t-il difficile ? Il a l’air si buté… Peut-être cette classe va-t-elle me mettre à l’épreuve ? Il y a ce petit groupe qui a l’air de bien s’entendre et de déjà vouloir mener la classe, de créer une résistance…

L’école inclusive « inclut » la dimension sensible, lui donne sa place, pour ne pas créer d’exclusion plus durable. C’est un effort de conscience que chaque éducateur est invité à faire. C’est un apprentissage, toujours à refaire, non inscrit dans les textes, de l’objectivation du réel pour nous-mêmes et pour nos élèves.

Nous pourrons alors nous amuser ensemble de nos filtres trompeurs et entrer dans un travail d’observation qui ne s’arrête pas au jugement, à l’interprétation, mais recherche les faits au plus près pour pouvoir mener ensuite une analyse ajustée.

Premiers regards, premiers mots, premiers temps d’arrêt intérieurs pour différer ce que notre jugement hâtif pourrait nous souffler tout bas.

Premiers regards porteurs d’espoir en chacun qui suspendent les jugements habituels et donnent à cette rentrée un murmure sensible d’humanité à construire.

Véronique Poutoux, rédactrice en chef du site Vers une école inclusive. 31 Août 2014.

• Pour l’école inclusive, quelle évaluation ?

Et si le brevet était supprimé… et si enfin le dilemme entre évaluation chiffrée et évaluation des compétences  n’existait plus… Un effet d’annonce il y a quelques jours qui retombe bien vite…

Non, abandonner ce système peu cohérent ne semble pas possible. Pourtant l’évaluation est une question majeure pour les enseignants quand ils adaptent et aménagent les propositions pédagogiques pour des élèves qui ont des besoins d’aides particulières. Comment mentionner ces adaptations ? Mentionner les allègements de l’exercice  dans une évaluation sommative ? C’est aussi la question de l’équité qui est posée.

Il est temps que le courage politique pour trancher soit opérant sous peine de ne pas pouvoir concilier  bien longtemps encore une école de l’élite, pour l’élite et une école inclusive. Il aurait été largement  temps d’aller vers un changement réel des pratiques d’évaluation. Quelle valeur le brevet des collèges a-t-il comme évaluation certificative ? Quelle pertinence à remplir, comme un formulaire administratif, le livret des compétences, tant que celui-ci, nécessairement re pensé, n’est pas le document qui permette de rendre compte de ce qui est acquis par l’élève, les élèves… tant que celui-ci n’est pas le livret de bord de l’élève et des enseignants ?

Il est temps que les enseignants abandonnent le stylo rouge comme instrument symbolique de l’évaluation sinon l’école inclusive ne peut poursuivre sa marche.

Véronique Poutoux, rédactrice en chef du site Vers une école inclusive. Juin 2014.

• Si enseigner, c’était chercher… c’était être acteur des évolutions…

“Le métier d’enseignant arrive en première place du palmarès des métiers ayant attiré le moins de candidatures au 4e trimestre 2013, selon le baromètre Jobintree2014.

Triste première place !

Que diriez-vous, enseignants de l’école inclusive, vous tous, qui œuvrez au quotidien auprès des élèves qui sont empêchés d’apprendre pour quelque raison que ce soit ? Trouveriez-vous les mots qui répondraient à  ce constat ?

Pas facile, sans doute; car l’environnement médiatique me semble avoir préparé cette “belle” place ! Les actions quotidiennes menées semblent suspectes ou toujours insuffisantes.  Comment parler de ce qui tient si fort à cœur, un projet d’éducation, humaniste qui réunit convictions, pratiques, essais, erreurs, travail de relations, transmission et attente des progrès, ceux des élèves mais aussi les nôtres ?

Si être enseignant aujourd’hui c’était se dégager de la norme, c’est à dire de l’idée que l’enseignement se construit sur une normalité présupposée du développement et des processus de l’apprendre. Parce que la plupart des élèves apprennent à lire en CP dans le courant du 2ème trimestre, alors ceux qui n’y parviennent pas deviennent des “problèmes” ! Parce que la plupart des élèves reproduisent ce qui est attendu, combien restent dans l’étonnement de tâches scolaires qui ne font pas sens ?

Si enseigner, ce n’était pas appliquer des protocoles, reproduire ce que nous avons vécu quand nous étions élève, mais chercher à comprendre les terres inconnues que sont les mondes de nos élèves, comme des univers aussi divers qui ne demandent qu’à se révéler. Si enseigner, c’était chercher ces chemins originaux pour développer tous ces potentiels, pour construire un collectif apprenant, prêt à mettre en mouvement toutes ces intelligences dans une dynamique d’organisation des savoirs. Si enseigner, c’était être acteur des évolutions et des mutations si étonnantes que nous vivons, et  enfin abandonner cette idée d’une école  figée dans le temps.

Pouvons-nous parler de nos enthousiasmes présents et actifs? de ces réussites silencieuses qui germeront plus tard ? Oui, il nous faudrait oser…

  • Pour que plus jamais un autre Hugo ne puisse écrire ces lignes:

Maintenant que je suis en CP, je dessine et j’écris des récits avec des humains, je ne termine jamais mes histoires… Je me lasse… J’aimerais savoir parler des humains, mais je n’arrive plus à rassembler mes idées. J’ai l’impression que plus je passe de temps ici, plus je deviens bête. (dans “L’empereur, c’est moi.”  Hugo Horiot, Ed. L’Iconoclaste)

  • Pour que les futurs professeurs, ces jeunes talents viennent transformer l’école et forts de leur audace  professionnelle, montrer au ministère, en proie actuellement aux guerres intestines, qu’une autre école , un autre métier est en route.

Véronique Poutoux, rédactrice en chef du site Vers une école inclusive. Mars 2014.

La mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 dans l’éducation nationale

Rapporteurs : Martine Caraglio et Jean Pierre Delaubier.

Ce rapport apporte une contribution très utile pour réaliser un état des lieux des évolutions faisant suite à la loi du 11 février 2005. Alors que plusieurs rapports ont apporté différents points de vue, rapport du sénateur P. Blanc, rapport sur l’accompagnement des personnes handicapées, nous avons ici une étude qui choisit comme angle d’approche la question du parcours de scolarisation et de formation de jeunes en situation de handicap.

Nous voulons ici mettre en valeur quelques points particuliers mais recommandons vivement une lecture en totalité de cette étude. Voici donc les quelques éléments que nous vous proposons comme points de départ d’une étude et réflexion plus approfondies.

Tout d’abord, cette loi a apporté des changements significatifs tant au niveau quantitatif (nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés, augmentation du nombre d’accompagnants, augmentation des crédits affectés) qu’au niveau qualitatif « finalement, il y a un nouveau droit : « le nouveau droit à un parcours de formation ». Ceux-ci doivent bien sûr se poursuivre.

La loi et l’école inclusive

Si dans l’introduction, il est mentionné que « la loi française ne se réfère ni au concept d’inclusion, ni à celui de besoins éducatifs particuliers » la conclusion propose elle, d’étendre l’idée d’une personnalisation du parcours à tous ceux qui ont besoin d’une parcours différent : « Sans doute faut-il avancer plus résolument vers une école où la personnalisation des parcours constitue un principe d’organisation, c’est-à-dire vers une école pleinement inclusive. » Cette reconnaissance du fait que l’éducation nationale a poursuivi, depuis 2005, son organisation autour des classifications handicap et difficulté scolaire, y compris dans l’organisation des services de l’administration et n’a pas reconnu les concepts d’inclusion et de BEP, pourrait si ce rapport est pris en compte modifier le cadre et favoriser ainsi l’avancée d’une école plus inclusive, c’est à dire une école qui travaille à la personnalisation des parcours, en se passant des anciennes catégories (pourra t on éviter d’en construire de nouvelles ?) et qui par le mot même de personnalisation comprend celui de coopération et abandonne ainsi résolument le modèle de la compétition qui ne peut être qu’antagoniste à l’école inclusive. Le projet de loi de refondation de l’école dans sa version votée par l’assemblée nationale du 19 mars 2013, semble s’approprier le terme d’école inclusive puisqu’il pose dans son article 3 Bis : cette loi « vise à l’inclusion scolaire de tous les élèves, et notamment les élèves en situation de handicap » et dans l’annexe, un des paragraphes s’intitule « scolariser les élèves en situation de handicap et promouvoir une école inclusive » ; mais s’agit-il d’une réelle appropriation et au-delà des mots, le changement de paradigme est-il présent ? vraiment souhaité ?

De quelques constats :

C’est au collège que les transformations sont les plus visibles. Tout d’abord, le nombre de collégiens en situation de handicap a pratiquement doublé entre 2006 et 2010. Plus de la moitié de ces élèves sont scolarisés en classe ordinaire. Enfin, les élèves ayant des troubles du langage et de la parole sont 2 fois plus importants au collège. Dans les établissements de santé et médico-sociaux une minorité d’élèves bénéficie d’une scolarisation à temps complet ; certains élèves peuvent passer d’un temps de scolarisation en établissement scolaire de 24h hebdomadaires et 9à 12h en établissement, et provoque ainsi de varies régressions. Il y a une grande disparité suivant les territoires. Un élève sera reconnu en situation de handicap dans un département et pas dans un autre. Les offres de formation pour les enseignants sont elles aussi très variables : ainsi certains modules offrent 1 place pour 1 enseignants demandeurs, ailleurs c’est 1 placepour 215 enseignants ! les modules sont eux aussi variables quant à leur durée, de quelques heures de sensibilisation à des formations préparant au 2CA-SH (ou au CAPA-SH).

L’ajustement de l’action pédagogique :

le rapport pointe que parmi les PPS, « rares sont ceux qui font l’objet d’un aménagement de programmes » (p.85). De même, il est rare de proposer à l’élève « un cheminement particulier ». Cela rejoint les observations que nous avons pu mener. En effet les adaptations pédagogiques portent sur les aspects du matériel, le choix, adaptation des supports ou encore l’allégement de la tâche. Or si nous considérons la possibilité de rendre opératoire le concept d’accessibilité dans le champ pédagogique, la question de ce qui est visé et du chemin à prendre est essentielle. Cela dessine donc en creux des pistes d’expérimentation de recherches, d’accompagnements d’équipes sur le terrain.

Les préconisations :

Parmi celles proposées, nous retenons celle de repenser les dispositifs d’inclusion à la fois en concevant 2 types de CLIS et d’Ulis et en ajustant ces dispositifs aux différents niveaux de la scolarité (l’Ulis-collège n’a pas les mêmes finalités que celles d’une Ulis-lycée) Penser les Clis ou les Ulis soit comme des pôles ressource et appui et d’autre part des groupes d’inclusion. « On n’oriente pas vers l’Ulis, on met l’Ulis au service de l’orientation. » p.126

Nous vous recommandons donc une lecture attentive de ce rapport qui délivre de nombreuses données quantitatives, aborde bien d’autres questions : les fonctionnements MDPH, les aides mutualisées, la formation des enseignants, des accompagnants…

Lire le rapport :
2012-100_-_rapport_handicap_226957

et une relecture par Élisabeth Clermont, enseignante spécialisée :
Du côté des Ulis-lycée