Editos

•L’école inclusive, Tous acteurs !

L’école inclusive nous concerne tous, quel que soit notre rôle dans l’établissement. En effet, si les enseignants qui interviennent en réseau d’aides, si les coordinateurs d’ULIS, si les enseignants de SEGPA apportent des ressources complémentaires à l’établissement, chaque enseignant aujourd’hui  rencontre des élèves qui ont des besoins d’aides plus ou moins importants et apporte des réponses dans le cadre de la classe. Les chefs d’établissement sont par ailleurs les garants et facilitateurs de cette prise en compte de la diversité des élèves. Les  cadres d’éducation contribuent aussi à prévenir, accompagner, permettre  qu’un climat de bienveillance, d’entraide se vive au sein des établissements.

Nous souhaitons donc cette année, que le site se fasse davantage l’écho des pratiques  des différents acteurs, de leurs initiatives, de leurs outils… Si nous partageons la conviction que l’école inclusive, est un chantier passionnant qui redynamise le métier, ce site peut alors permettre échanges, partage, mutualisations… Nous vous proposerons sous peu des espaces appropriés et dès aujourd’hui, des modalités de collaboration interactives.

En cette période de rentrée, rappelons-nous que l’école inclusive ne peut pas être une école de la compétition mais bien celle de la coopération engagée, proposée, vécue dans toutes les classes, entre les adultes et entre les élèves. Comment donner cette impulsion, affirmer cette direction ? Cela ne demande-t-il de penser autrement journée de pré-rentrée des enseignants, premières heures de cours ? Ce qui est vécu lors de ces premières heures prend beaucoup d’importance pour les élèves. Comment poser les bases  d’un fonctionnement de classe qui favorise le bien vivre et apprendre, ensemble et différents ?

  • La notion d’entraide et d’aide peut-elle être dès le début expérimentée, explicitée ? En effet, ensuite, il sera alors normal de se déplacer pour utiliser les aides mises à disposition par l’enseignant. Pour cela, pourquoi ne pas envisager une situation qui permettra aux élèves d’agir ensemble et de s’entraider ? Poursuivre ensuite régulièrement des temps de co-travail par 2, de co-évaluation ? Lors de chaque séance, penser en amont les obstacles possibles et les aides à proposer à tous ( référents mémoire, indices de compréhension… décomposition  de consignes en étapes successives…)
  • La question « être semblable et différent » peut-elle engager une classe dans une réflexion qui permettra ensuite une meilleure compréhension des uns et des autres, une ouverture sur autrui , que ce soit dans le domaine des capacités, de la culture, de la religion ? … Afin de prévenir stigmatisation, moqueries, harcèlement, mises à l’écart… Quelles situations proposer ? Quels supports ?  » La petite casserole d’Anatole » version album de jeunesse mise en vidéo, pour les élèves du primaire, 6ème... Une version vidéo pour les collégiens, constituent de très bons supports… De même, « Mon petit frère dans la lune » à choisir pour des plus jeunes…
  • Faire de ces premières heures un moment  qui surprend, étonne, donne envie de s’engager ensemble dans l’année qui vient. La réussite sera celle de la classe et non plus celle de quelques élèves.  Ken Robinson dans son message de rentrée nous invite à cette créativité, celle qui nous épanouit, qui met en projet et qui fait tant de bien aux élèves.  Quelles surprises allez vous réserver à vos élèves ? Comment pouvez-vous aussi valoriser leur réussite, leur progrès ?

Voici donc quelques pistes pour démarrer votre rentrée pour une classe inclusive. A votre tour, faites-nous part de vos essais, expériences… Une photo et sa légende, une courte description de ce que vous avez proposé…
Une page interactive dédiée (Padlet) a été ouverte à cet effet :  https://padlet.com/versunecoleinclusive/
L’icône   en bas de page du padlet vous permettra de déposer votre contribution

Cela vous prendra quelques minutes… et profitera à tous, car nous sommes Tous acteurs de cette transformation.

• Formulaire MDPH, sept 2017

Voici le formulaire CERFA proposé en cette rentrée dans les MDPH.

Il a le mérite de prendre en compte de nombreuses situations très diverses… qui peuvent faire penser que la personne, en tant que telle est prise en compte? Cependant, malgré les efforts de présentation, est-il utilisable par tous? Accessible en d’autres termes?

Comment les différentes personnes se sentiront-elles prises en compte?  Seront-elles accompagnées dans cette démarche?

Ne fallait-il pas concevoir un formulaire spécifique qui concerne les enfants et jeunes ? Ou  craint-on encore que les dossiers ne puissent pas suivre lorsqu’un jeune étudiant devient par exemple travailleur?

Voir le document

• Oui, il y a encore de l’ouvrage en 2017 pour l’école inclusive !

2017 : quoi de neuf pour l’école inclusive ?

Le Certificat d’aptitude pédagogique aux pratiques de l’éducation inclusive, CAPPEI, arrive, exit le CAPA-SH et le 2CA SH ; l’éducation inclusive est pleinement nommée, exit l’ASH.

Il était temps, puisque malgré la loi de 2005, tous les décrets d’application qui ont suivi, le référentiel de formation du CAPA-SH et du 2CA SH n’avait pas changé, maintenant une différence entre les enseignants du 1er degré et ceux du second degré, les uns obtenant un diplôme, les autres une certification ; maintenant des options qui continuaient ainsi à produire une catégorisation contraire aux principes même de l’école inclusive.

Les nouvelles formations devraient être proposées en septembre. Est-ce une meilleure compréhension de la notion de besoins éducatifs particuliers qui sous-tend ce qui est en préparation ainsi que l’analyse des situations professionnelles de terrain ? Espérons que le texte final sera bien au service de l’éducation inclusive.

Il est à souhaiter  que dans les changements politiques qui vont advenir, le paradigme de l’école inclusive continue de faire évoluer les représentations, celles du métier d’enseignant, de la notion de handicap et de difficultés scolaires et celles des relations entre école et société; de promouvoir les logiques environnementales, de non-discrimination, de non catégorisation; de montrer des  réalités qui témoignent d’avancées réelles afin que peu à peu les contradictions dans lesquelles nous sommes s’amenuisent. En voici quelques- unes :

  • Si la responsabilité des parents est pleinement reconnue, comment expliquer que des parents ne voient pas appliquer à la rentrée scolaire les décisions, ou notifications qui avaient été annoncées ? Si la collaboration avec les parents est devenue réalité, comment expliquer des situations de non-retour et de dialogue interrompu ?
  • Si c’est le parcours du jeune en lien avec son projet de vie qui est premier, comment expliquer que certains élèves d’Ulis lycée professionnel se retrouvent inscrits dans une classe de référence qui ne correspond pas du tout à ce qu’ils envisagent pour l’avenir ?
  • Si la collaboration entre les établissements médico-spécialisés ou médico-sociaux et les écoles a avancé, comment aller bien plus loin en mutualisant les ressources et les expériences en bannissant toute défiance des uns, vis à vis des autres, en évitant que bien des fois encore l’élève soit l’objet de prises de pouvoir entre adultes ?
  • Si la diversité est considérée comme une richesse, alors comment rendre les pratiques pédagogiques adaptées aux besoins des uns et des autres sans perdre le cap du vivre et de l’apprendre ensemble ?
  • Si c’est l’évaluation des besoins du jeune en situation qui doit guider les réponses apportées, comment expliquer cette puissance administrative, complexe qui fait entrer les gens dans des cases et maintenir des réponses standardisées, des parcours filières ?
  • Si le travail en équipe constitue une nécessité dans le suivi de ces jeunes, comment alors maintenir des organisations qui ne le permettent pas ?
  • Si la forme pédagogique héritée de passés lointains est aujourd’hui renouvelée par des pratiques de collaboration, d’interaction, d’usage des nouveaux moyens technologiques, comment alors imaginer d’autres architectures d’écoles qui le permettent ?
  • Si le postulat d’éducabilité cognitive et la diversité des profils cognitifs sont assis scientifiquement, comment alors ne pas les rendre actifs au cœur même de la classe ? Au cœur même de la formation initiale et donc de la formation des formateurs ?

Oui, il y a encore bien de l’ouvrage à conduire ensemble en cette nouvelle année!

Parce que nous voulons une éducation qui considère chaque jeune dans tout son potentiel de développement.

Parce que nous voulons que l’école soit un lieu fantastique d’apprendre ensemble qui permette d’expérimenter le bonheur partagé de cette quête de compréhension du monde.

Parce que nous voulons être plus humains, en nous reconnaissant ensemble semblables et différents, forts et vulnérables.

Véronique Poutoux, rédactrice en chef, Janvier 2017.

 

• Au dessus et au delà du tintamarre médiatique…

Dans ce tumulte médiatique et cette impression de chamboulement important, deux des candidats à l’élection présidentielle ont eu quelques mots que je voudrais souligner :

Emmanuel Macron a affirmé que le fait de scolariser des enfants handicapés dans une classe changeait le regard, nous rendait plus intelligent… Oui nous partageons l’idée que la diversité est une richesse et que les enfants différents ont fait progresser l’école, ont toujours conduit à chercher d’autres chemins, d’autres pratiques pédagogiques. Pourtant, l’éducation de tous et la scolarisation demeurent malgré tout fragiles et sans cesse remises en question par les représentations du métier enseignant, de l’apprendre et du handicap.

Plus dernièrement, François Fillon a employé l’expression « je ne suis pas autiste » pour expliquer qu’il ne s’entêtait pas, ne s’enfermait pas. Quelle méconnaissance de tout ce que nous savons aujourd’hui sur les troubles du spectre autistique, toutes les diversités de ces personnes, la richesse de leur fonctionnement, de leurs sensations, des liens surprenants qu’ils font… Il a utilisé une expression courante, dépassée… Cela a valu une réaction de tweets en chaîne qui exprime le scandale, demande des excuses… Les vieilles idées, les vieilles connaissances ont la vie dure et peuvent nous piéger.

Pour autant, quels discours construits, nouveaux, s’appuyant sur toutes les connaissances et les technologies nouvelles entendons -nous, pour parler de l’école, de tous ces laboratoires vivants qui témoignent d’une évolution en cours ?

Il faut pour cela, à la fois une vision qui prenne en compte des décennies de l’histoire de l’éducation, et qui peut regarder d’où nous venons, et une connaissance réelle de ce qui se passe dans la diversité incroyable de tous les établissements, de toutes les classes, de toutes les alchimies uniques liées aux élèves, aux enseignants, aux équipes, au climat et au pilotage d’un établissement. Il faut aussi une vision d’émancipation et d’anticipation choisie et pensée pour tous.

Vision d’évolution et d’émancipation : A quelles peurs non dites la pensée de l’évolution qui permet du développement pour chacun, qui fait grandir les individus et les sociétés se heurte-t-il ? Peur des élites de perdre leurs territoires, leurs pouvoirs ? Peur des individus face au changement ? Incapacité à penser que l’évolution continue, ne s’arrête pas et forcément nous transforme et transforme l’école ?

Vision d’anticipation… Comment inclure maintenant dans nos propres schémas de pensée une école inclusive, ce qu’elle demande, ce qu’elle change déjà et ce qu’elle continuera de changer ? A une époque où la notion de progrès est interrogée, le paradigme de l’école inclusive travaille pourtant à la fois silencieusement mais sûrement de par toutes les situations vécues par les élèves, les enseignants et les parents. Ce paradigme est à la fois signe et source d’évolution pour l’école et nos sociétés.

Quels discours pourraient s’entendre au-dessus des tintamarres actuels qui seraient issus de toutes ces visions, qui donneraient aux acteurs le temps de continuer à expérimenter, de valoriser et mutualiser les pratiques de l’école inclusive, qui permettraient vraiment une évolution? Le temps de l’apprentissage n’est pas celui de l’immédiateté ; le temps de l’éducation n’est pas celui des réformes politiciennes mais bien celui d’une construction profonde d’une humanité en évolution.

Véronique Poutoux, Rédactrice en chef, 7 mars 2017.

Elle a battu le record !

les jeux paralympiques de Rio ont encore donné à voir la capacité de l’être humain à se surpasser. Cet événement suscite bien des questions pour tous ceux qui ne connaissent que de loin les situations que vivent des personnes handicapées et aident à transformer le regard porté. Tous ces athlètes ont donc battu des records, leur propre record, le record établi dans la discipline repoussant encore plus loin les limites.
Samedi, autres courses dans un supermarché! Il y a du monde. A peine entrée une fillette vient vers moi et me montre un prospectus. Je ne la comprends pas; ses mots ne sont pas les miens et je tente de la comprendre; elle me sourit. Ses parents alors arrivent et me disent: elle est très sociable. Nous discutons un peu sur la réaction possible des personnes, car me disent-ils, tous ne réagissent pas comme vous!
Au fur et à mesure de mes pas dans les différents rayons, je vais croiser Maylis souvent. J’observe alors qu’elle cherche à entrer dans la relation avec toute personne qui est près d’elle. Ses parents sont là, puis plus loin… A chaque fois, c’est de la bonne humeur qui s’exprime, c’est un chemin vers l’autre qui se crée… Voilà , à Maylis, son record ce matin: celui d’avoir salué je ne sais combien de personnes en une heure de temps et d’avoir montré son prospectus, d’avoir semé au gré des étalages son brin de bonne humeur!

J’ai observé les personnes qu’elle a rencontrées. Pas une fois, elle  n’a essuyé un refus de partager avec elle quelques minutes.

Ce micro événement est riche d’enseignement:

  • Les parents de Maylis ont tout de suite mis en avant sa qualité relationnelle- elle est très sociable-  Ils la laissent assez autonome dans ses déplacements pour qu’elle profite pleinement de ce moment des courses pour – vivre sa vie- en quelque sorte. Les parents connaissent bien leur enfant et nous apprennent comment agir avec leur enfant différent. Ils prennent appui sur la bonne humeur contagieuse de leur fille pour faire de ce moment une occasion de nous aider à transformer notre regard – qui n’est plus un regard de pitié, mais un regard qui se construit dans la relation si brièvement et facilement installée- Oui, elle a du talent cette demoiselle.
  • Quand nous parlons de nos élèves qui nous mettent en difficulté, pourrions-nous commencer à énoncer d’abord toutes leurs qualités, et à favoriser une sollicitation de ces dites qualités? Mobiliser les forces encourage, permet des réussites et peut aussi favoriser le développement d’aptitudes moins bien partagées. Les collègues de l’école de Versmé à Vilnius  travaillent ainsi, faisant le pari que développer les points forts permet, dans un mystère non encore élucidé,d’améliorer les points faibles. Cela nécessite de notre part un vrai changement d’angle de vue.
  • Maylis a apporté quelque chose de singulier  au cours de son parcours dans le magasin; quelque chose d’unique qui nous oblige à agir autrement, à nous ouvrir à ce qu’elle souhaite partager… Elle met  du contact humain dans un lieu parfois si anonyme. Comment dans nos établissements, mettons-nous en valeur ce que nous apportent les élèves de l’Ulis, ou l’élève qui  pense autrement, qui n’a pas les mêmes outils cognitifs que ses autres camarades? Une manière de voir, un détail particulier, une question surprenante…

Les sportifs de RIO ne se considèrent pas comme des personnes handicapées  car pour parvenir à ces résultats, ils ont dû être entourés de personnes qui ne les ont pas enfermés dans les limitations physiques ou autres. De ce fait, ils ont pu puiser dans des ressources insoupçonnées et déployer une rage de vivre et de vaincre exceptionnelle. Maïlys va de l’avant et veut communiquer. Dans nos contextes scolaires, c’est bien  l’observation et la recherche   d’une communication réelle avec tous les élèves qui permet alors de dépasser une vision restrictive, catégorielle, et  qui promeut les potentialités existantes de chacun.

• Parcours de formation des élèves en situation de handicap

Bénédicte Dubois vous propose une lecture facilitée de la circulaire 2016-117 du 25 aout  2016 , Parcours de formation des élèves en situation de handicap dans un établissement scolaire ,  dans le document suivant à partir du plan organisé en 8 points:

plan-circulaire

parcours-de-formation-des-eleves-en-situation-de-handicap

Vous souhaitez accéder au texte sur le site du ministère de l’éducation nationale, voir:

http://:http://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=105511

Quelques remarques:

Cette circulaire veut-elle clarifier le cadre commun et harmoniser les réponses possibles sur l’ensemble du territoire à la condition toutefois que les différents acteurs se référent à ce document ou survient-elle pour recadrer les  fonctionnements qui peuvent différer entre territoires, types d’établissements et de services?

Ce qui est réaffirmé :

  • les premières réponses sont données dans le cadre de la classe et sont de la responsabilité de tout enseignant.
  • Sont aussi présentés les 4 dispositifs possibles pour des réponses de droit commun. Notons que  cette formalisation n’est toujours pas harmonisée et traduit bien un empilement de réponses qui se sont succédées et qui « compliquent » par rapport à d’autres pratiques  européennes la tache des équipes, renvoyant à cette fascination administrative française…De plus les termes projet, plan et programme ont bien une nuance sémantique qui ne semble pas gêner.
  • La responsabilité de la famille est citée à plusieurs reprises.
  • Les différentes coordinations et articulations sont précises
  • la nécessité de la formation est affirmée  par un module en formation initiale dispensée dans les ESPE, dont on ne précise pas le contenu; ensuite l’accent est mis sur la connaissance des principes de l’école inclusive et l’utilisation du GEVA Sco.

Ce qui est encore surprenant:

La notion de besoins éducatifs particuliers est restreinte aux besoins des élèves en situation de handicap et n’est toujours pas comprise telle qu’elle est utilisée dans les autres pays.

Que de sigles et d’emboitements de Plans, projets, programmes! Nos voisins italiens parlent d’un programme adapté.

• L’école inclusive est-elle réalité ?

L’école inclusive est-elle réalité ? Est-elle encore en chemin ?

Dans les conceptions, les pratiques , l’école inclusive , expression facilement employée aujourd’hui, n’en demeure pas moins  un idéal encore à atteindre et  qui porte en lui aussi une transformation de l’école. L’école inclusive est respectueuse du développement de chacun et  développe un art de vivre et d’apprendre ensemble pour une école et une société qui sont  à réinventer.

Depuis 2005, la loi pour l’égalité des droits et chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, a produit des avancées, qui restent insuffisantes certes, mais qui ont modifié les pratiques des établissements, des enseignants dans leur classe et qui sont lisibles et visibles dans tous les entretiens publiés au cours de l’année 2015.

Notre ambition au travers des entretiens réalisés était bien de donner modestement, à échelle de chacun des acteurs, une vision des changements en cours, des questions qui surgissaient, des paradoxes rencontrés.

Nous vous livrons aujourd’hui l’analyse de ces entretiens au travers des mots clés que nous avons  choisis , compte-tenu de leur fréquence importante: impact de la loi, l’accompagnement et la formation, l’inclusion, le partenariat… Ces différentes analyses seront mises en ligne successivement ainsi que la conclusion provisoire que nous pourrons en tirer.

Nous vous invitons à témoigner de vos réalités de terrain, au regard des analyses produites et au regard du paradigme de l’école inclusive que nous pouvons caractériser succinctement par   ce  tableau qui montre les changements de logique actuellement en cours…

Anciennes logiques Nouvelles logiques vers une société inclusive, une école inclusive.
Médicale : Prise en compte des facteurs individuels, désignation des élèves par leur difficulté ou leur trouble. Environnementale : Combiner les facteurs environnementaux et individuels. Interroger l’environnement aussi pédagogique en termes d’accessibilité
De droit, de non-discrimination : Droit de chaque enfant à être scolarisé, devoir des enseignants de « scolariser ».
Institutions spécialisées « à part », y compris au sein de l’école. Accès chaque fois que possible aux institutions ordinaires, dont l’école. Plusieurs modalités de scolarisation sont possibles. Les notions de dispositif et d’inclusion sont centrales mais ne sont pas stabilisées ni dans la compréhension, ni dans les mises en œuvre.
Ce sont des spécialistes qui prennent en charge ces élèves, en fonction des catégories et du type de service. Les parents peuvent subir des décisions prises par ces spécialistes. C’est un ensemble de partenaires qui organise les réponses possibles en termes de scolarisation, de soins et d’éducation. Les parents sont les premiers responsables de leurs enfants.
Assistanat : La personne est objet de soins. Participation : la personne est sujet et acteur.
Catégories : en fonction des catégories, les élèves « entrent » dans telle ou telle  structure ou filière.  Notion de Besoins éducatifs particuliers comme un besoin d’aide qui se conçoit comme un curseur et non comme une nouvelle catégorie.

• Se déplacer

Nous avions montré que l’école inclusive veille à ce que chacun trouve sa place pour  pouvoir développer ses capacités, il nous faut aujourd’hui aller plus loin en s’attardant sur cette idée de « se déplacer ».

L’école inclusive  se concrétise actuellement sur le terrain par les déplacements que réalisent les élèves scolarisés dans les Ulis. Ils « vont en inclusion » , seuls, accompagnés, à plusieurs…   Mais doivent-ils être les seuls à se déplacer ? Que nécessite l’école inclusive en termes de déplacements?

  • D’abord  celui du moins visible et du plus difficile: se déplacer dans sa tête pour penser autrement les notions de handicap, d’aide et d’autonomie, déplacer aussi les conceptions de l’apprentissage référées majoritairement à la norme… ce qui est normal à tel âge, dans telle classe, à tel niveau… Déplacer aussi les conceptions de l’enseignement qui nécessite de penser des situations d’apprentissage accessibles  et non pas celles toujours mises en œuvre par les routines traditionnelles et seulement transmissives…
  • Imaginer aussi que les Ulis ne  soient pas un lieu  seulement ouvert aux élèves des Ulis; d’autres élèves pourraient s’y déplacer… pas seulement parce qu’ils ont besoin d’aides ou de remédiation, mais aussi pour être moteurs dans une activité, un projet, un futur EPI ( Enseignements pratiques interdisciplinaires). Il s’agira là, dans la réflexion et mise en œuvre de la réforme, de penser l’ensemble du dispositif en incluant  naturellement les dispositifs ULis; et non de façon séparée: d’un côté une réforme pour les classes, de l’autre les Ulis.
  • Je visite souvent des écoles ou espaces scolaires  flambant neufs et je m’étonne. Le format standard de la classe bouge peu. Les espaces scolaires continuent d’empêcher les modularités, flexibilités d’organisation du travail pédagogique. L’école inclusive, dans sa recherche de non exclusion, de prise en comptes des besoins d’aides différents, nécessite des regroupements différents, des déplacements fluides, des grandes salles ouvertes, modulables, des lieux pour des groupes plus restreints. Le volume classique de la classe avec une table par élève, la chaise qui va avec,  enferme les pensées des élèves  dans ce confinement, empêche donc l’école inclusive qui  nécessite que chacun se déplace  à tous les niveaux.
  • Certains , ouf, y pensent… Faire tomber les murs, penser le mobilier autrement…   Pour aujourd’hui, un moment pour rêver et pour voir là où l’on est, ce qu’il en est : place des Ulis,  déplacements, travail et modularités de groupe, travail d’équipe et modalités???

    Véronique Poutoux, rédactrice en chef. Le 23 octobre  2015. 

. Trouver sa place, prendre sa place…

Trouver sa place, prendre sa place

Il y a un petit mois, les élèves arrivaient dans leurs établissements et se confronter à cette question : dans quelle classe suis-je inscrit ? Où est –elle ? Où dois-je aller ?

Premières questions qui normalement se résolvent facilement pour tous mais qui sont à penser de manière plus particulière pour certains pour éviter une première angoisse, celle d’être perdu, de ne pas trouver sa classe, de ne pas trouver sa place !

Une fois arrivé en classe, comment se joue l’installation de chacun ? La plupart du temps, nous laissons faire… cela permet une première assurance : être à côté d’un copain, d’une copine, ou au moins de quelqu’un que je connais un peu. Puis très vite, l’espace se réorganise… Et nous « séparons » les bavards, les remuants, les timides, les plus performants… Première réorganisation qui « déplace » et fait bouger les places. A nouveau il faut trouver sa place et pour certains encore, nouveau risque passager de déstabilisation… Qui demande une explication bienveillante, une assurance donnée par l’adulte à l’enfant qu’il continuera à exister dans ce nouvel espace.

Tout cela peut paraitre anodin, pourtant notre cerveau reptilien est très sensible à cette question du territoire et active, quand l’insécurité le gagne, le système limbique qui, à son tour, peut inhiber le cortex et empêcher de prendre sa place dans les activités proposées, l’apprentissage en cours.

Car prendre sa place en classe c’est pouvoir pour l’élève exister tel qu’il est, se ressent, se sentir reconnu, accepté par ses camarades, ses pairs et aussi par ces enseignants. Prendre sa place, condition essentielle pour pouvoir apprendre. Cela exige pour les enseignants un travail nécessaire sur ce « vivre ensemble » de la classe et sur la façon d’installer la relation avec chacun personnellement.

Prendre en compte le vivre ensemble : c’est-à-dire l’organiser, donner le cadre, donner des rôles différents, mettre en valeur les talents de chacun, permettre aussi des « mixages » d’enfants qui ne se côtoieraient pas naturellement en pensant des activités de groupe où il y ait un vrai travail de chacun. (Voir à ce propos l’excellent article de Gilbert Longhi…) Favoriser au maximum la reconnaissance mutuelle. A contrario, éviter de ne rien voir, d’ignorer les rivalités, les affinités ; la pédagogie institutionnelle si mal connue et si peu utilisée donne de vraies possibilités d’améliorer ce vivre et apprendre ensemble. Comment utiliser au mieux dans cette première période les heures de vie de classe au collège ? Pour communiquer et donc parler encore, transmettre toute une série d’informations ? Ou bien un moment propice pour apprendre à mieux se connaitre, chacun et ensemble ? Pour réfléchir ensemble et les élèves entre eux sur ce comment nous vivons ensemble ; chacun a –t-il sa place ?

Établir une relation personnalisée : c’est un regard qui est mobile. Chaque élève existe à un moment donné dans les yeux de son enseignant. C’est un enseignant qui bouge et qui vient voir chacun établit de brefs dialogues : juste une phrase, un conseil…

 

Il est encore temps de s’assurer que chacun a pu maintenant « prendre sa place » et s’y sent bien. Sans cela, c’est l’exclusion qui se mettra en place : auto exclusion du groupe, de l’accès au savoir. Exclusion par les autres. Blessures qui s’installent et demanderont, suivant la sensibilité de chacun, un travail de réassurance.

Trouver sa place, prendre sa place c’est finalement enfant, adulte, la condition première   de pouvoir exister avec d’autres, d’enclencher des processus dynamiques pour apprendre, pour vivre.

 

Véronique Poutoux, rédactrice en chef. Le 25 septembre 2015.