Nous formulions ainsi les vœux de l’équipe du site Vers une école inclusive, de la façon suivante: « De la Joie dans l’altérité, de la Paix dans l’équité, de la Conscience dans nos gestes professionnels. »
Mais dès la semaine suivante, la joie fut remplacée par une immenses tristesse et révolte de nous tous, pour ces morts préméditées et données sans aucune hésitation, pour cette haine mûrie dans les lieux d’exclusion, pour cette intelligence mise au service de cette œuvre d’anéantissement. L’altérité n’avait pas pu se vivre et avait provoqué folie haineuse de l’autre.
Puis cette manifestation qui rend visible un sentiment commun pour se lever, pour dire non à la barbarie; et en même temps ces refus de certains, inquiétants, et renvoyant en boomerang ces questions déjà si présentes dans notre institution scolaire. De cette fausse égalité , de ces logiques de discrimination présentes depuis les années 80, les paroles de certains élèves ont fait mal, ont interrogé d’autres qui semblaient découvrir cette problématique.
Nouvel épisode visible de ce que les processus d’exclusion fomentent en silence jusqu’au jour…
Et voilà que tous cherchent des réponses, redonnent celles déjà données… Au delà de ce qui sera décidé, notons une réelle intention politique de transformer la donne mais il faut sans doute bien prendre la mesure de la complexité en jeu.
Sur le terrain, chaque fois que ces situations ont permis de dialoguer, il y a une avancée…Mais pour permettre cela, il est nécessaire de porter une grande attention aux mots choisis, à l’intonation, un prendre soin de qui parle et comment, bref une attitude éthique de l’adulte qui modèle la relation entre élèves. Notre place d’adulte s’est trouvée questionnée. Qu’avons-nous à dire de tout cela? Quel monde insécure proposons-nous aux plus jeunes? Comment alerter sur les amalgames? Décoder les simplifications? Mettre en éveil la capacité critique pour chercher les informations, comprendre ce qui fait peur…
La laïcité impose-t-elle une neutralité qui rendrait les adultes muets face à de telles questions? Celles légitimes des jeunes sur l’absurde, la violence, la liberté et le respect d’autrui, le sens à donner à sa vie dans une société qui a tant de mal à définir un projet fédérateur.
Comment assurer vraiment dans chaque classe un « vivre ensemble » qui donne envie d’aller vers l’autre, qui s’enrichit de l’autre? Qui apprenne la joie de travailler et de réussir ensemble? Pouvons-nous poursuivre et montrer toutes les initiatives dans lesquelles la pédagogie de projet, de la coopération sont déjà de belles réponses? Elles comportent des rituels, donnent une assurance à tous, ouvrent au dialogue et développent, bien plus que tous les grands discours, un vivre et apprendre ensemble réel et réaliste, dont les adultes et particulièrement les politiques pourraient s’inspirer!
Nous allons, dans les semaines à venir, publier de ces récits et de ces réflexions qui montrent que l’école inclusive travaille au quotidien à assurer accueil, bienveillance, soin de l’Autre, dépassement des peurs et des résistances, interrogation des représentations hâtives et catégorisantes, acceptation d’un métier qui se transforme mais n’en demeure pas moins passionnant.
Véronique Poutoux, rédactrice en chef.