Que de guerres autour de nous ! Des grandes, des moyennes et des petites… Il y a celles qui tuent avec fracas de bombes ; vies si nombreuses perdues, territoires dévastés, populations en survie… Pour qu’elles nous parviennent, elles se déroulent à l’échelle internationale, nous touchent. Notre possibilité d’agir est faible mais notre compassion est grande.
Il y a celles plus proches de nous, quand se déchirent les opinions, que les uns s’affrontent aux autres par des joutes oratoires et des dialogues de sourds. Quand plus rien ne semble possible dans la négociation, que chacun campe sur ses positions. Guerres souvent idéologiques, le chemin de la vérité est difficile à trouver… Elles déconstruisent le commun qui pouvait être là mais n’assurent pas de voie de sortie. Elles impactent les professionnels sur leurs terrains, épuisent leurs énergies et peuvent même finir par gangréner les actions quotidiennes qui doivent pourtant avoir lieu. Autrement dit, nous pouvons entrer dans notre classe portant dans nos replis inconscients toute cette ambiance délétère de ce début d’année. Il nous faut alors rester solide intérieurement et agir au mieux dans ce que nous demande le métier. Nos prises de paroles méritent d’être mesurées, distancées, douces dans le ton et respectueuses de chacun.
Il y a celles plus petites parce qu’invisibles. Elles n’en sont pas moins destructrices surtout de nous-mêmes et de nos proches. Ces colères qui peuvent survenir, extériorisées ou pas, ces rancœurs, ces manques de reconnaissance, ces élans brisés… Toute ces terres intérieures avec les zones d’ombre connues ou inconnues, font éclore des paroles blessantes, des maladresses, des actes inappropriés… Cela est vrai pour nous adultes, parents, enseignants, éducateurs… Cela est vrai pour nos élèves… Certes la reconnaissance des émotions qui nous traversent, enfant ou adulte, est une première approche qui calme ces petites guerres. Mais les cours d’empathie ne peuvent pas faire l’économie d’un travail de conscience, de lucidité sur ce qui nous habite en profondeur… Ce travail d’élaboration, d’explicitation de ce qui est en jeu est indispensable si nous voulons rejoindre en chacun sa part la plus vulnérable et aussi la plus vraie qui est en nous. La pédagogie institutionnelle a montré que cela était possible et agissait en profondeur sur les problématiques des élèves et créait un vivre ensemble plus fraternel. Mais les quelques équipes qui peuvent encore aujourd’hui en témoigner doivent être assez peu nombreuses. Les discours officiels l’ignorent et les cursus de formation aussi. L’action de chacun est de mettre à jour ses petites guerres internes. L’enseignant dans la classe ne peut non plus ignorer ce qui agit en chacun. Au moins, peut-il ne plus faire semblant de ne rien voir…Et mieux encore, de par son métier « Passeur culturel » utiliser la médiation par les savoirs qui invite à une prise de distance, un arrêt sur images pour que nos élèves trouvent eux aussi leur chemin de vérité.
Ce que ces guerres ont en commun c’est de réveiller nos peurs, de réduire nos possibilités d’actions, de nous renfermer sur nous-mêmes. Mais dans nos paysages totalement détruits, ou seulement en train de se lézarder, un jour le courage se lève puis la solidarité, la fraternité, la recherche de la vérité qui doit faire avec notre dilemme fondamental du bien et du mal.
Que l’école apprenne à construire la paix ! Que l’école reste un havre de paix véritable !
Pour cela, apprenons à mieux connaitre nos vulnérabilités, nos peurs, outillons nos actions afin que chacun puisse se sentir en sécurité, développer sa dynamique propre d’apprentissage en communauté fraternelle, Voilà qui est apprendre à faire ensemble une école inclusive, une école où se construit et se vit la paix.
Véronique Poutoux, Janvier 2024.