Plus de 100 000 enfants sont mal ou non scolarisés en France…Scandale !
Cela concerne des enfants issus de la grande précarité, sans domiciliation, des enfants migrants, des enfants en situation de handicap. Cela devrait nous rappeler que l’école inclusive travaille à un futur, espérons-le, de plus en plus proche, d’une société inclusive ; que l’école inclusive ne concerne pas seulement des élèves en situation de handicap, pour lesquels est posé un diagnostic médical, mais tous les enfants.
L’école inclusive est le lieu ordinaire de scolarisation pour tous, quelle que soit la vulnérabilité d’apprentissage et son origine. Ce lieu de scolarisation est la référence en créant des parcours variés qui vont nécessiter des alliances éducatives avec des services spécialisés, hospitaliers, sociaux, médico- sociaux … Avec les différents instituts.
Ce lieu est aujourd’hui appelé à évoluer, à s’ouvrir et à accueillir en ses murs d’autres professionnels, d’autres espaces, thérapeutiques, de médiation, d’accueil des familles… C’est un nouvel espace qui va devoir se créer ! En écrivant ces mots, je mesure bien l’immense difficulté mais aussi l’immense défi que cela représente. Car il ne s’agit pas seulement de pousser des murs, de reconfigurer du bâti mais aussi de lever des cloisonnements de représentations autour de l’école et de sa visée, de la fragilité, des différents métiers qui œuvrent déjà à une vision holistique du développement humain.
Pour le moment, l’école inclusive est pensée en termes de projets personnalisés réalisé en fonction de catégories, s’appuyant sur la différenciation pédagogique et sur la présence des AESH. Or nous sommes en train de mesurer au quotidien certains effets contraires à ce qui est recherché.
- Nous ne pourrons pas mettre un-e- AESH à coté de chaque élève en situation de handicap.
- Les enseignants n’ont pas à être des précepteurs des 30 élèves qui leur sont confiés.
- Il est indispensable de bien peser l’intérêt de la désinstitutionalisation. Est-il sûr que fermer tous les établissements spécialisés soit une bonne chose ?
Les questions à prendre en compte sont les suivantes :
- Comment passer de la logique du « droit à » à une logique du droit pour participer ? Ce n’est pas » mon enfant a doit à un-e AESH » mais de quoi a-t-il besoin pour participer aux différentes situations de la vie scolaire ? Comment travailler l’idée que dans les établissements scolaires, un personnel spécialement formé et dédié à ces aides nécessaires à la participation de tous soit présent ? Il y a alors différentes formes d’aides humaines à proposer s’appuyant sur des personnes faisant partie de la communauté éducative… Si les besoins d’aide concernent l’autonomie par rapport aux soins d’hygiène, d’alimentation, de déplacement… comment les prendre en compte dans l’établissement et les mutualiser ? Ce type de personnels existe dans les établissements spécialisés sous forme d’assistant de vie… Si les besoins d’aide concernent les situations pédagogiques, ce sont alors soit des pratiques de co enseignement, des pratiques de tutorat, ou encore la présence d’enseignants ressource au sein de l’établissement.
- La différenciation pédagogique et la sur personnalisation par les différents projets (PPRE, PAP et PPS) s’appuient sur la prédominance de la remédiation quand il y a difficulté, postérieure aux situations proposées. N’est-il pas grand temps, sans perdre ce que nous avons appris en essayant de différencier et de personnaliser, de passer à des approches préventives des difficultés et d’aborder une nouvelle conception de la mise en accessibilité des différentes situations d’apprentissage qui permettent, avec des aides pensées en amont, la participation de tous ? Les démarches inductives, toujours préconisées montrent aussi leurs limites et génèrent pour certains des difficultés. Comment articuler différentes démarches d’apprentissage ? Comment aussi mieux cibler les objectifs d’apprentissage pour certains et s’autoriser donc à les différencier ?
- Comment travailler à une vraie synergie de moyens entre les ressources spécialisées, les établissements scolaires pour trouver les aides humaines à proposer dans le quotidien de l’enfant et dans son lieu de scolarisation ? Comment répondre dans ces nouvelles configurations aux besoins ? Suivant certaines périodes (besoin de lieux de répit, ou de lieux de construction ou accompagnement, de périodes intenses de soins…) L’approche locale sur un territoire donné doit permettre de mieux connaitre les ressources disponibles et les besoins recensés. Nous le voyons bien les clivages : ministère de l’éducation nationale, ministère de la santé, PJJ, aide sociale à l’enfance, collectivités territoriales, différentes associations doivent disparaitre. Ils ne font qu’accroitre les effets de la sur personnalisation, la sur administration, de la catégorisation et renforcer la logique du droit à… répondant ainsi à une vision individualiste de la vie qui peut conduire à une société atomisée.
le « Moi » d’abord ne veut pas voir, ne peut pas voir le monde pluriel, si divers. Notre destin est commun et nous avons à réinventer un sujet altruiste, un univers partagé et de partage. L’école, comme lieu d’éducation et de développement intégral de la personne, constitue donc le terreau formidable d’expériences de l’altérité et de projets communs.
Véronique POUTOUX. 2 décembre 2022.