Peut-il y avoir polémique sur le bien-fondé de l’école inclusive, de la société inclusive ? Comment envisager un vivre ensemble fait d’exclusions et de désignations ?
Le consensus semblait être partagé jusqu’à maintenant par toutes les tendances politiques pour proposer que tous les enfants puissent aller à l’école et y trouver des réponses adaptées, différentes selon les besoins. Ce Week-end, cela a été tristement remis en cause par un polémiste présidentiable.
Revenons d’abord sur ce terme de polémique et de polémiste. Il comprend en lui-même la notion de critique, soit, mais dans un débat vif et agressif. C’est dans cette agression que se trouve le non audible, le non recevable. Qui agresse ? Qui agresse qui et pourquoi ?
Qui agresse ? Chacun sait répondre à la première question et souvent en politique, nous assistons à ces jets de parole non respectueux de la personne, de ses idées, de ses convictions. Est-ce une excuse pour évoquer « l’obsession de l’inclusion » , remettre en cause tout le travail accompli et soulever une vague de colères…
Qui est agressé ? Ce sont tous les enfants, qu’ils aient des besoins éducatifs particuliers ou non. Ce sont tous les parents, les éducateurs, les enseignants qu’ils soient spécialisés ou non, travaillant en école ou en milieu spécialisé… Ce sont tous ceux qui maintenant depuis 40 ans œuvrent à une meilleure compréhension des vulnérabilités d’apprendre et essayent d’apporter des réponses de plus en plus précises, facilitant la compréhension mutuelle et rendant possible des expériences positives de scolarisation inclusive. Les propos tenus qui ont provoqué multe réactions et cela est bon signe, montrent une méconnaissance des réalités de terrain, une façon de s’emparer des données les plus faciles pour les transformer en projectiles incendiaires. Oui, il y a des enfants autistes, des adolescents avec autisme pris en charge en Belgique ; mais il y a aussi de grands progrès réalisés pour scolariser ces élèves qui présentent des troubles autistiques…
Pourquoi ? Il s’agit d’agresser pour séparer, pour choisir une société d’un entre soi, une école organisée en fonction des catégories sociales. Comment penser un projet de société qui se nourrit de clivages et d’oppositions et qui ne recherche pas les moyens d’un vivre ensemble riche de toutes les diversités de l’humanité. L’école inclusive n’est pas seulement une école qui scolarise les élèves en situation de handicap, c’est une école qui cherche sans cesse à permettre à tous les élèves d’apprendre, de se former, de se connaitre dans les singularités et le semblable qui nous réunit… que l’on soit enfant au vécu de migration, de grande précarité, avec des troubles cognitifs, sensoriels, moteurs… Vivant des histories familiales épanouies ou cabossées… des drames.
Si nous poursuivons cet idéal de l’école inclusive pour construire une société inclusive, d’autres viennent de le clamer, sont dans un idéal d’une société dans laquelle les plus vulnérables auront une place dans des « ailleurs séparés, à part », une mise à l’écart qui ne les reconnaitra pas citoyens.
Nous pouvons entendre la critique d’une école inclusive qui est encore tâtonnante, qui cherche avec de nombreux acteurs à construire le meilleur pour les enfants. Cette triste polémique peut nous permettre de saisir à quel point ce changement de paradigme est important pour l’école inclusive qui doit s’affirmer comme une école équitable, qui vise le développement des capacités de créativité, d’intelligence collective, de diversités cognitives pour répondre aux enjeux de ce siècle qui s’ouvre de façon chaotique mais porteur d’étoiles naissantes. [1]
Oui j’ai été en colère, puis triste. C’est la recherche de ce qui est vrai en soi et pour les autres qui compte, dans les idées, les convictions et l’action partagée. C’est là que nous devons nous maintenir ensemble.
Véronique Poutoux, le 17 janvier 2022.
[1] « Il faut porter encore en soi le chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile naissante. » Nietzsche. Ainsi parlait Zarathoustra.