La fréquentation du site continue de grimper et pour la petite équipe que nous sommes, c’est un bel encouragement qui nous est adressé. La semaine dernière , la barre des 1000 visiteurs par jour a été franchie et se confirme ces jours -çi !
Merci donc à vous tous et toutes de vos visites , en espérant que vous trouvez dans nos propositions de quoi explorer, réfléchir, améliorer les pratiques inclusives parce que, malgré les discours environnants, les difficultés rencontrées, vous continuez de croire à une école pour tous, une école où chacun trouverait sa place et pourrait épanouir son potentiel.
OUI, les difficultés sont là sur le terrain et la question des limites de l’école inclusive revient plus fortement sur le devant de la scène, peut-être est-ce la raison de cette fréquentation importante du site ?. Le sondage IFOP montrait que le caractère fondamental de l’école inclusive fait consensus chez les enseignants et que malgré toutes les appréhensions qu’elle soulève elle est source d’enrichissement. La question des moyens, de la formation initiale et continue, la diversité des situations de handicap suivant la nature du trouble et sa sévérité, interroge les enseignants et les équipes.
Peut-on regarder le moment actuel sachant que tout va très vite… Que les discours s’enchaînent, trop souvent idéologiques et si loin des pratiques de terrain . Si l’éducation est un droit et un bien commun, toutes les énergies et compétences devraient être mises en relation et s’activer pour que celle ci nous permette de dépasser les clivages inquiétants et construise un monde plus solidaire, fraternel … juste humain.
Voici quelques questions que je vous propose de reprendre …
– La question des moyens en AESH, en emplois enseignants, enseignants spécialisés, en professionnels du secteur médico-social, en soins nécessaires de rééducation ( quand pour certains enfants, les délais d’attente sont de plus de 6 mois ) Le nombre des personnels AESH n’a cessé d’augmenter mais ne suffit pas. Pour beaucoup, parents et enseignants, l’école inclusive ne peut pas se faire sans ces aides humaines. Or suivant les troubles et leur sévérité , l’aide humaine ne va pas répondre aux mêmes besoins. Cette représentation sociale et les demandes qui l’accompagnent s’inscrivent dans une logique du droit à compensation. Même si les aides sont aujourd’hui mutualisées chaque fois que possible, cela demeure comme un regret quand elles ne sont pas individuelles. Il est frappant de constater qu’en Italie du Nord, les enseignants de soutien sont dans la classe lorsqu’il y a un élève en situation de handicap( avec un nombre d’heures attribué au regard des besoins) et sont là pour toute la classe. Ils pratiquent un co-enseignement. ce qui permet une avancée vertueuse des pratiques pédagogiques et sociales au sein de la classe. Nous sommes alors dans une logique de droit pour PARTICIPER... ce qui modifie plus fondamentalement le vivre et apprendre ensemble.
La question des moyens se relie à celle du recrutements des enseignants, des enseignants spécialisés et des personnels du secteur médico social.
– L’organisation des classes et le nombre d’élèves ? Nous continuons à « vouloir » une école inclusive, mais l’augmentation quantitative des accompagnements individualisés ( PAP, PPS et PPRE) rend le métier difficile voire si déstabilisant que certains renoncent. Pouvons-nous continuer dans cette voie ? La logique d’accessibilité pédagogique permettrait d’inverser ce processus, car les aides seraient proposées à tous ( utilisées ou pas). Cela demande de choisir cette logique d’accessibilité et de quitter la logique de compensation. Seuls quelques 3% d’élèves auraient besoin d’aménagements plus spécifiques. L’augmentation ( insuffisamment expliquée ) du nombre d’enfants avec des troubles neuro développementaux fait entrevoir , dans une logique de compensation individuelle, une impasse majeure pour l’école. Il est grand temps de réinterroger le bien fondé des processus de personnalisation si nous ne voulons pas continuer d’aller droit dans le mur. D’autre part, compte tenu de la baisse démographique annoncée, ne faudrait-il pas envisager de baisser le nombre d’élèves par classe en fonction des profils de classe… Les moyennes nationales ne disent rien des situations locales . Il n’est pas possible de pratiquer la différenciation pédagogique dans des classes de plus de 28 élèves ! Comment ajuster au mieux cette répartition comptable en fonction des besoins repérés ? Ne faut-il pas avoir aussi le courage de revoir cette organisation tricentenaire des classes d’âge ? Quelles initiatives se pensent, se mettent en action… Groupe de référence multiâges autour de projets trimestriels ou semestriels, complétés par des groupes de besoin en fonction des compétences à acquérir, et par des groupes d’entrainement en fonction des rythmes d’acquisition ?
– La question de la formation: là aussi, la crise des recrutements, dont nous paierons les conséquences à court et moyen terme interroge les modalités de la formation initiale. De nombreux avis se donnent… Revenir aux écoles normales ? Différencier formation des enseignants de premier degré et du second ? Abandonner le master ? Proposer des formations dès la sortie du lycée ? Propositions qui se calent sur de l’ancien revisité mais qui n’arrivent pas à penser du neuf pour un monde en si rapide évolution ? Il y a pourtant des points d’appui : création de collectifs apprenants, réinterrogation des contenus disciplinaires, articulation de ces contenus aux pratiques d’accessibilité, place importante de la pratique accompagnée, temps de formations croisées avec les acteurs ( eux aussi en pleine évolution) du secteur médico-social…Quant à la formation continue, elle aussi se cherche. La rendre attractive en rejoignant les enseignants là où ils en sont; accepter d’écouter et de comprendre les difficultés rencontrées plutôt que de vouloir imposer d’en haut des directives, parfois en contradiction avec les pratiques inclusives (par exemple le tout inductif met en difficulté des élèves avec des fragilités cognitives et ne peut constituer la seule démarche d’enseignement.) Constituer des petites équipes qui se retrouvent autour de questions communes, accompagner la méthode de travail et permettre de construire une réflexivité partagée…
Agissons au mieux là où nous sommes, en saisissant les marges de manœuvre possibles, en osant, en expérimentant… Faites-nous part de vos avancées, de vos projets . cela sera utile à tous. Merci.
Véronique POUTOUX. 29 novembre 2023.